Atelier I du LaMOP – Figuration

Les « Ateliers du LaMOP » ont pour objectif de réfléchir collectivement et conjointement sur nos pratiques scientifiques et nos objets de recherche. Ils traitent d’une question transversale ou d’un des axes de recherche du laboratoire, dans une démarche symétrique qui situe au même niveau de préoccupations la clarification des concepts, des techniques et des approches que nous utilisons, et la compréhension du « Moyen Âge », qui est au cœur de notre métier.

L’ambition de ces ateliers est à la fois épistémologique, heuristique et historiographique. Ils se veulent un espace de discussions ouvertes et informelles, fondé sur la présentation d’un problème, d’un dossier documentaire, d’une méthode, d’une enquête en cours, d’un résultat que l’une ou l’un d’entre nous souhaite partager et examiner avec le groupe. Expérimentaux, ces ateliers entendent également créer une dynamique d’échanges et de mise en commun de la recherche en train de se faire. Ils visent à réunir l’ensemble des membres de notre laboratoire, doctorant.e.s, ingénieur.e.s, enseignant.e.s-chercheur.e.s et chercheur.e.s.

Le premier atelier portera sur le thème de la figuration. Il se tiendra les 12 septembre 2024, 10h-18h, au Campus Condorcet, Bâtiment Nord, salle 0.004.

I. Figuration

Fait de donner d’un élément une représentation qui en rende perceptible (surtout à la vue) l’aspect ou la nature caractéristique, Fait de susciter à l’esprit l’image de quelque chose ou son résultat, Objet concret qui constitue la représentation typique d’un élément, par l’effet d’une analogie de nature ou de valeur

TLF – Trésor de la langue française

Le premier atelier du LaMOP sera consacré à la vaste question de la figuration, au sens large,comme acte et effet cognitif, et comme pratique sociale historiquement située. Dans nos recherches, nous sommes amenés à nous occuper d’objets figuratifs médiévaux (schémas, signes, cartes, sceaux, mises en page, images…) mais aussi à en produire (tableaux, graphes, schémas, plans, cartes, calques, relevés de fouille, dessins, photos…). Il ne s’agit pas de comparer « nos » pratiques avec les « leurs » de manière spéculaire, mais, dans les deux cas, de nous interroger sur les opérations et les processus qui conduisent à la création et à l’utilisation de ces formes, afin de les dénaturaliser.

La première articulation de l’atelier sera consacrée à la réflexion sur la notion de figuration par un retour sur les principales tendances de la recherche en matière d’analyse d’objets figuratifs. Dans ce champ largement investi par les historiens de l’art, les anthropologues, les sémiologues, les philologues, les littéraires, les sociologues ou les philosophes, la figuration devrait permettre de prendre en compte l’unité figurative élémentaire de la géométrie euclidienne – un ensemble de points (D. Hilbert, 1899) –, jusqu’aux différents degrés d’iconicité – mimétiques, iconogènes, aniconiques (Ph. Descola, 2021) –, en passant par les figures de langage des rhétoriciens antiques et l’interprétation figurative des théologiens médiévaux (E. Auerbach, 1938).

La deuxième articulation prendra en compte les objets figuratifs scientifiques,des plus simples aux plus complexes, que nous créons et utilisons dans la pratique de nos recherches, ainsi que le statut que nous leur conférons. Une des problématiques, parmi d’autres possibles, concerne le contexte actuel d’informatisation généralisée et de numérisation croissante des textes et artefacts médiévaux, qui affectent nos méthodes d’analyse et diversifient nos échelles d’observation, nous confrontant aux ressorts heuristiques de la « lecture distante » (F. Moretti, 2000). Les transformations connexes engendrées, tant dans la quantité que dans l’organisation de la matière à traiter (corpus, séries…), la production, l’exposition et la mise en relation des informations recueillies (données, métadonnées), nous incitent également à évaluer notre implication (ou pas) dans ce qui tend à se présenter comme un nouveau champ disciplinaire, la « visualisation des données ».

En passant à l’échelle de la « lecture proche » du document, du dossier ou de l’exemple, la troisième articulation de l’atelier sera axée sur les objets figuratifs médiévaux que nous étudions. À la suite des travaux sur la literacy, nous avons intégré l’idée qu’aussi bien les signes linguistiques (l’écrit) que d’autres dispositifs visuels d’organisation de l’information engendrent des répercussions d’ordre cognitif dans la manière de comprendre le monde (J. Goody, 1977). L’anthropologie nous invite également à considérer l’agentivité sociale des choses (agency), la « puissance d’agir » conférée par les agents humains aux artefacts figuratifs (A. Gell, 1998). Dans quelle mesure les productions figuratives médiévales que nous analysons sont-elles propres à dévoiler une forme particulière de « mondiation » (Ph. Descola), un rapport au monde à la fois stabilisé et cependant inscrit dans la dynamique chronologique ?

Bibliographie indicative

E. Auerbach, « Figura », Archivium romanicum, 22, 1938, p. 436-489 [Figura, trad. fr. Marc André Bernier, Paris, 1993 et par Diane Meur, Paris, 200].

J. Baschet , P.-O. Dittmar(dir.), Les images dans l’Occident médiéval, Turnhout, 2015.

Ph. Descola, Les formes du visible. Une anthropologie de la figuration, Paris, 2021.

A. Didier, A. Girard, G. Griffart, H. Lagréou, A. Montreuil, J. Morsel, C. Nestoret, G. Texier, “Similitude ? Quelle similitude ?,” dans Les carnets du LaMOP, mis en ligne le 15/11/2019, https://lamop.hypotheses.org/?p=5988

A. Gell, L’art et ses agents, une théorie anthropologique, trad. S. et O. Renaut, Dijon, 2009 [Art and Agency: An Anthropological Theory, Oxford, 1998].

J. Goody, La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, trad. et introd. J. Bazin, A. Bensa, Paris, 1979 [The Domestication of the Savage Mind, Cambridge, 1977].

Groupe μ, Traité du signe visuel. Pour une rhétorique de l’image, Paris, 1992.

D. Hilbert, Grundlagen der Geometrie, Leipzig, 1903² [Les fondements de la géométrie, trad. fr. Paul Rossier, Paris, 1971].

F. Moretti, « Conjectures on world literature », New Left Review, 1, 2000, p. 54-68 ; Id. Graphes, cartes et arbres. Modèles abstraits pour une autre histoire de la littérature, trad. fr. Étienne Dobenesque, Paris, 2008 [Graphs, maps, trees : abstract models for a literary history, Londres-New York, 2005].

Programme

• Qu’est-ce que la figuration ?  – Eliana Magnani
• Les nombres, les figures et les représentations – Stéphane Lamassé
• Les premiers seings notariés français (Bas-Languedoc, 1150-1220) – Didier Panfili
• Du tapis d’Orient aux cartes géographiques. Réflexions sur les figurations de l’espace – Emmanuelle Vagnon-Chureau
• Les cartes des eaux de Canterbury (c. 1158) et de Waltham Abbey (c. 1220) : de la figure au document – Juliette Dumasy
• Figure et présence du saint dans sa cité : le cas du portail occidental de San Zeno de Vérone – Mathieu Beaud

---

---