Tristan Martine et Florent Minot – “Fouilles archéologiques au Purpurkopf (Bas-Rhin) : aux origines du phénomène castral en Alsace”
Après de premiers sondages effectués à l’été 2021, Tristan Martine (Université de Lille, LAMOP) et Florent Minot (Archéologie Alsace, Archimède) ont débuté à l’été 2022 des fouilles triennales qui se sont poursuivies à l’été 2023 et continueront à l’été 2024.
Ces fouilles portent sur le site du Purpurkopf (commune de Rosheim, Bas-Rhin), un petit sommet de 570 m d’altitude, au sommet duquel se trouvent les vestiges d’un bâtiment rectangulaire entouré d’une vaste enceinte longue de 375 m. Alors que ces ruines ont longtemps été attribuées à l’époque protohistorique ou antique, l’étude d’une bulle de Léon IX en 1049, conservée uniquement par un vidimus du XVe siècle et qui mentionne le « Burcberck » au sommet duquel ses ancêtres possédaient un castrum au Xe siècle, a permis de supposer que le Purpurkopf pourrait être d’origine médiévale. Cette hypothèse était d’autant plus intéressante qu’aucun site castral en Alsace au Moyen Âge central n’est connu à la fois par des éléments archéologiques et textuels.
©AA-S (H ½)
Un bâtiment fortifié du Moyen Âge central
Le bâtiment sommital, de plan rectangulaire, mesure 18,60 m de long pour 11 m de large. Ses murs, larges de 2,10 à 2,30 m, sont conservés sur une hauteur maximale de 2,90 m. Ils sont formés de deux parements à l’appareillage irrégulier de blocs et moellons de grès rose bruts ou grossièrement équarris, enserrant un blocage de moellons et cailloux, liés par un sable extrait sur place mélangé à de l’argile. L’absence d’ouverture et d’ancrage de poutre dans les élévations conservées suggère que le bâtiment était doté d’un accès en hauteur. Le ou les niveaux d’occupation du bâtiment devaient ainsi se trouver sur un plancher situé à l’étage, au-dessus des parties conservées. Le volume des matériaux effondrés permet de restituer une élévation initiale en pierre avoisinant 5 m de hauteur, laquelle était probablement surmontée d’une construction en bois, l’absence de mortier de chaux ne permettant que difficilement la mise en place d’ouvertures dans les parties en pierre.
©Thomas Laurent
Le mobilier archéologique mis au jour dans les niveaux associés à la construction et à l’abandon du bâtiment, et notamment les fragments de céramique culinaire, a permis d’attribuer sa construction à la fin du IXe ou au début du Xe siècle. Ces éléments ont été corroborés par des datations radiocarbone réalisées sur des charbons de bois découverts à l’intérieur du mur.
© Florent Minot
Aucun mobilier postérieur au début du XIe siècle n’ayant été découvert à ce jour, le bâtiment semble avoir été rapidement abandonné, tout au plus une centaine d’années après sa construction. La fouille n’a pour l’instant révélé aucune trace d’une éventuelle destruction violente et il faudra réfléchir aux raisons de l’arrêt de l’utilisation de ce site.
© Florent Minot
Une occupation antique à définir
La fouille du bâtiment sommital et la prospection des pentes à l’intérieur du périmètre fortifié ont révélé les vestiges mobiliers d’une occupation de l’Antiquité tardive. De nombreux fragments de céramique culinaire attribués aux IIIe et IVe siècles de notre ère ont notamment été retrouvés dans les niveaux de construction et de démolition du bâtiment médiéval, où ils étaient mélangés aux objets des IXe-Xe siècles. Bien qu’aucune structure antique n’ait été découverte pour l’instant, la quantité de mobilier suggère une occupation importante dont les vestiges auraient pu être fortement impactés par les travaux de terrassement et de construction médiévaux.
© Florent Minot
Un site unique pour appréhender la genèse du phénomène castral
Les recherches menées au Purpurkopf permettent d’appréhender la naissance du phénomène castral, globalement méconnue en Alsace, région dans laquelle aucun castrum antérieur au XIe siècle n’a encore été fouillé. Une comparaison avec les autres sites européens déjà fouillés ainsi qu’avec l’éclairage apporté par les sources textuelles suggère qu’un tel site fortifié ne constituait probablement pas une résidence élitaire au Xe siècle. Les fouilles à venir devront donc préciser les fonctions de ce castrum et permettre de clarifier le lien entre les occupations tardo-antique et médiévale.
© Florent Minot
Tristan Martine et Florent Minot
Pour aller plus loin :
– Article réalisant un état des lieux des connaissances textuelles et archéologiques avant le début des fouilles : Tristan Martine et Florent Minot, « « Burcberck […] in cujus montis cacumine suum extitit castrum » », Revue d’Alsace [En ligne], 148 | 2022, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 28 mai 2024. URL : http://journals.openedition.org/alsace/5449
– Reportage Youtube réalisé par Thomas Laurent sur la première campagne de fouilles, à l’été 2022 : https://www.youtube.com/watch?v=wC2yXTH5MhA&t=724s
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
martinetristan (30 mai 2024). Tristan Martine et Florent Minot – “Fouilles archéologiques au Purpurkopf (Bas-Rhin) : aux origines du phénomène castral en Alsace” Les carnets du LaMOP. Consulté le 17 septembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/11qv8
